Extractivisme & écologie décoloniale



– Salut, j’ai été inventé pour te poser plein de questions ?

C’est vrai que t’as une jolie tête en forme de point d’interrogation. Tout comme toi, je suis un personnage fictif moi aussi. Mais tout ce que je vais te dire est réel, et très concret. Enchanté.e, je serai ravi.e de répondre à tes questions !

– Et toi, pourquoi t’as une tête en forme de point d’exclamation ?

Car j’ai envie de clamer l’absurdité et l’atrocité du monde autant que la justice et la solidarité ! Mais t’inquiète pas, toutes mes phrases ne sera pas criantes. Loin d’être érudit.e, je me suis beaucoup renseigné.e sur les sujets liés aux thèmes de cette brochure. Je vais essayer d’être synthétique, de te donner des exemples, de répondre à tes questions avec un langage accessible, t’apporter quelques détails malgré la difficulté que pose la vulgarisation face à la compléxité de la réalité. Sache que je ne pourrais être exhaustif.ve, mais je vais tenter de déminer quelques problématiques. En fait, plus j’en apprends sur la question, plus je me rends compte de tout ce que j’ignore ! C’est pour ça que cette brochure est une première version.

– Pourquoi une première version ? Il va y en avoir d’autres brochures?

Cette brochure est une première version, car les réponses que je vais te donner proviennent d’un patchwork de textes de chercheur.euse.s que j’ai lu. Pour être honnête avec toi, mes arguments sont donc sourcés mais vont grandir, être précisé et complété dans des versions ultérieures. Tu pourras trouver les sources documentaires sur lesquelles je m’appuie à la fin de la brochure, ainsi que d’autres si tu souhaites approfondir certains sujets.

– Mais pourquoi tu prends pas le temps d’écrire un livre directement ?

Si je discute avec toi aujourd’hui c’est parce qu’il y a urgence !  Une urgence découlant de l’augmentation des conflits en République Démocratique du Congo (que je vais nommer Congo), de l’intensification de l’extractivisme minier. Ensemble, on va déconstruire les idées reçues qui imprègnent le capitalisme mondialisé, green-washé et ses discours autour de la « transition écologique » et plein d’autres sujets, tu verras. En fait, cette première version, est issue de la campagne de l’Association Génération Lumière qui organise plein d’actions, et prochainement une Marche contre l’Extractivisme et pour une Ecologie Décoloniale, d’où le titre.

– Quelles-sont les actions que mènent l’Association Génération Lumière ?

L’Association Génération Lumière agit dans une optique dite de double espace : dans les régions des Grand Lacs Africains, prioritairement au Congo et en Europe, particulièrement en France.
Au Congo et notamment dans la ville d’Uvira, les membres de l’association habitants sur place, effectuent des actions de sensibilisation et des actions plus concrètes comme des plantations d’arbres, la fabrication de poubelles publiques et l’organisation de journées citoyennes, de collecte de déchets. Aujourd’hui, les actions menées dans cette région sont focalisées sur les inondations et leurs causes.
En France, ses membres organisent des débats, des arbres à palabres et des conférences sur la justice environnementale. De plus, l’association forme à l’ECSI (Éducation à la Citoyenneté et la Solidarité Internationale).

– Elle organise aussi une Marche contre l’Extractivisme et pour une Ecologie Décoloniale, tu disais. C’est quand ? Où ? Et pourquoi fait-elle ça ?

La Marche commencera à Besançon le 23 juin jusqu’au Parlement Européen de Strasbourg le 16 juillet 2024, pour la rentrée Parlementaire. L’association appelle à marcher pour une transition écologique européenne qui ne soit pas synonyme de la destruction du vivant et de l’intensification des conflits armés au Congo. Elle souhaite faire voter au Parlement Européen une résolution sur l’exploitation des minerais, en provenance de l’Est du Congo. 

Pendant son itinéraire, le plus de soirs possible seront organisés dans les villes et les villages traversés : une exposition mobile, des ateliers interculturels pour comprendre comment habiter la terre autrement, des spectacles et des tables rondes mettant en lien les luttes et actions locales avec celles d’autres pays. Tout cela pour un monde réellement solidaire et écologique ! Le 16 juillet, jour de la rentrée parlementaire, nous remettrons notre projet de loi à un député qui le soumettra au Parlement européen. D’ailleurs si tu veux participer à la campagne ou à la Marche, tu peux aller sur leur site, et les contacter.

-C’est quoi une résolution ?

Une résolution est un mode de rupture d’une situation juridique ou d’un contrat, par décision amiable ou judiciaire. Pour faire simple, c’est un texte qui a une valeur symbolique, et quand la résolution est votée, elle permet de proposer un projet de loi à la Commission Européenne.

L’association Génération Lumière, avec ce texte, s’oppose principalement à l’accord entre l’Union Européene et le Rwanda. C’est « un accord important pour favoriser le développement de chaînes de valeur durables et résilientes pour les matières premières critiques » déclare la Commision…et c’est très problématique!

-Pourquoi l’accord entre l’Union Européene et le Rwanda est problématique ?

Parce que c’est une grande mascarade ! Cet accord fait du Rwanda, officiellement, l’un des premiers exportateurs de substances telles que le coltan, l’étain, le tantale et le tungstène, alors que selon le Global Witness, seuls 10 % des minerais exportés par le pays entre 2011 et 2017 ont réellement été extraits sur son territoire. Les 90 % restants ont été introduit illégalement à partir du Congo. Ainsi le commerce et le transport de ces minerais depuis le Rwanda est contrôlé par des sociétés multinationales étrangères, notamment européennes. Ces minerais peuvent se retrouver dans des appareils vendus par des marques internationales comme Apple, Intel, Samsung, Nokia, Motorola et Tesla.

Cet accord invisibilise et intensifie les conflits au Congo car selon le groupe d’experts des Nations unies sur la République démocratique du Congo, entre novembre 2021 et juillet 2022, l’armée rwandaise a participé à des attaques contre des militaires congolais, Elle a aussi équipé et fourni des renforts aux insurgés du Mouvement du 23-Mars (M23) notamment pour s’emparer de villes et de zones stratégiques. Et ça perdure de plus en plus !

Aussi, l’Union européenne a amorcé depuis septembre 2022 un financement des forces armées rwandaises, (notamment dans le cadre la mission EUTM Mozambique) et la France a lancé depuis juin 2022 un renforcement de sa coopération militaire avec le Rwanda.

– C’est quoi le Mouvement du 23 mars ?

Le mouvement du 23 mars, également appelé M23, est un groupe créé à la suite de la guerre du Kivu (région à l’Est du Congo). Il est composé d’ex-rebelles du Congré Nationale de la Défense du Peuple réintégrés dans l’armée congolaise à la suite d’un accord de paix signé le 23 mars 2009 avec Kinshasa. Ils se sont ensuite mutinés en avril 2012. Leur nom provient des accords du 23 mars 2009, car les membres considèrent que le gouvernement congolais n’a pas respecté les modalités de celui-ci. Le M23 est accusé de nombreuses violences contre les populations civiles, par des ONG (Human Rights Watch), par la cour pénale internationale et par le gouvernement américain. 

– D’accord, je commence à comprendre pourquoi L’Association Génération Lumière veut porter cette Résolution, mais a-t-elle d’autres revendications?

Ah ça oui, il y en a de nombreuses car le problème est global ! Premièrement, elle souhaite conscientiser les citoyen.ne.s européen.ne.s pour une connaissance des conséquences environnementales, sociales et humaines de l’extractivisme de minerais de conflits au Congo et dans d’autres aires géographiques, pour encourager leur réflexion sur la sobriété, pour la mise en action de leurs expressions citoyennes (boycott, manifestation, lettre au député respectif, etc.). Mais aussi elle veut obtenir 1 million de signatures européennes à sa pétition pour que ses revendications soient traitées par la Commission européenne.
Deuxièmement, elle veut obliger l’industrie de la “transition écologique” européenne à pratiquer le commun positif : une éco-conception, garantir le droit à réparer des appareils électroniques (universalisation du seuil minimum de réparabilité) et une augmentation de la durée de vie des appareils.
Troisièment, il est nécessaire d’avoir une traçabilité des minerais : en créant une Agence Européenne Indépendante de la Traçabilité des Minerais (AEITM), en exigeant la transparence sur les minerais de sang. Et surtout en sanctionnant le non-respect de la diligence requise et mettre fin aux accords miniers avec le Rwanda dont je t’ai parlé.
Et enfin, mettre en place une justice internationale de réparation : en mettant en valeur les problématiques des populations issues du Sud global et de double espace, en ayant des relations politiques et commerciales décoloniales.

– Ca fait beaucoup de choses. Déjà, j’ai bien envie que tu reprennes depuis le début, car je comprends pas la plupart des mots du titre de cette brochure, pour commencer c’est quoi l’Extractivisme ?

L’extractivisme désigne un mode spécifique d’accumulation de richesses, reposant sur des activités qui extraient d’importantes quantités de ressources naturelles qui ne sont pas transformées (ou qui le sont seulement dans une faible mesure) principalement destinées à l’export : eau, minerais, pétrole, bois,  pêche… Ce terme désigne des logiques économiques prédatrices et a principalement été adopté pour l’analyse des situations socio-économiques en Amérique du Sud puis en Afrique, à présent il s’étend au monde entier. Étymologiquement, le terme vient du portugais « extractivismo », initialement employé pour désigner l’exploitation commerciale des produits forestiers au Brésil. Il désigne à l’origine un mode d’accumulation capitalistique qui s’est structuré avec les empires coloniaux, et qui reposait sur l’export massif de matières premières vers les métropoles. 

– C’est pour cela que la lutte contre l’Extractivisme est lié à l’Ecologie Décoloniale, mais qu’est-ce que c’est au juste?

Exactement! L’écologie décoloniale est un courant de l’ écologie politique luttant contre l’impérialisme, l’extractivisme et le néocolonialisme occidental dans les pays du Sud et territoires colonisés. L’écologie décoloniale peut mettre en avant les savoirs et récits des peuples colonisés et intégrer aussi intimement les luttes sociales en Europe et dans le monde de tout.e.s les opprimé.e.s. 
L’écologie généralement admise, dans ses discours, ses acteur.ice.s, et ses pratiques, souffre d’une «double fracture » : celle qui sépare les enjeux environnementaux des enjeux décoloniaux. Cette incapacité à penser les choses comme un ensemble renforce des rapports de domination entre race, classe et genre. Il en résulte une invisibilisation des « histoires des non-Blancs » mais aussi une hiérarchisation qui, à l’intérieur même des mouvements écologiques, privilégie la défense de tel ou tel écosystème plutôt que de tel autre.

Ainsi l’Association Génération Lumière cherche à visibiliser cette lecture convergente, pour visibiliser la situation au Congo et celles des pays de la régions des grands lacs africains.

– Peux-tu approfondir le lien entre colonialisme et écologie ?

La colonisation est indisociable de l’écologie! En effet la colonisation n’est pas seulement une domination entre humains. C’est une domination entre humains dans le but d’exploiter des sols et de maintenir ou d’atteindre un certain niveau de confort. Il y a eu plusieurs accélérations des dégradations environnementales (au XIXe et au XXe siècles en particulier), mais la crise écologique commence plus tôt que cela. La colonisation vient d’un certain mode d’habiter la Terre, une manière de se penser sur Terre en ayant la légitimité de se l’approprier pour le profit de quelques-uns.

En partant des Caraïbes, cet « habiter colonial » commence à la fin du Xvème siècle, au moment où Christophe Colomb arrive en Amérique (sachant que le modèle de la plantation existait bien avant encore, par exemple à Madère). Pour que tu comprennes un peu mieux, je vais te donner quelques exemples concrets: les plantations coloniales esclavagistes ont développées les premières mono-cultures massives, l’extraction de l’argent de la mine de Potosí par les colons espagnols provoquèrent l’effondrement des sociétés Amérindiennes, c’est grâce aux compagnies coloniales que les sociétés actionnaires et les premières Bourses furent mises en place, l‘exploitation du nickel par France maintient sa domination sur les Kanaks de Nouvelle-Calédonie etc…. 

Pour revenir sur le sujet du Congo, c’est pour l’exploitation du caoutchouc que des milliers de mains furent coupées au Congo Belge par les colononisateurs. C’est pour acheminer des minerais que 17 000 indigènes congolais périrent lors de la construction forcée du chemin de fer Congo-Océan. 

– Je me rends compte que je connais rien du Congo, peux-tu me raconter dans les grandes lignes l’histoire coloniale du Congo ?

Pour faire court et direct, car il y aurait tant à dire, le Congo a subit 130 ans de destruction et d’occupation qu’on peut résumer en 4 périodes, correspondant à 4 pillages. Le premier, de sa création en 1885 lors de la conférence de Berlin à 1908, le Congo était la propriété privée et personnelle du roi belge Léopold II. C’est un fait unique dans l’histoire du colonialisme. Ce premier pillage d’une extrême barbarie pour l’exploitation de l’ivoire et du caoutchouc a causé 10 millions de morts, génocide méconnu encore aujourd’hui.
Ensuite, on parle de Congo Belge de 1908 à 1960. C’est le deuxième pillage, cette fois-ci opéré par les colons belges.
Le troisième pillage se fait après l’indépendance de 1960, avec une figure importante et connue : Patrice Lumumba qui sera assassiné un an plus tard par les Belges et les États-Uniens, plaçant Mobutu au pouvoir, pour 32 ans de dictature et de pillage personnel. « Congo » qu’il renommera « Zaïre ».
Enfin, Mobutu sera lâché par ses soutiens occidentaux en 1997, année où Joseph-Désiré Kabila prend le pouvoir et renomme le pays République Démocratique du Congo (RDC). Ce qui correspond au début du quatrième pillage, celui qui nous intéresse, puisque toujours d’actualité, sur lequel repose une partie conséquente du secteur high tech. 

Le Congo est donc un analyseur de la tradition colonialiste (ancienne ou présente) et de la barbarie capitaliste, de la sauvagerie qu’implique le fétichisme de la marchandise et de l’argent. 

– Mais ces conflits ne découlent-ils pas de conflits ethniques ?

C’est un argument qu’on entend souvent, et qui est complétement faux ! Le terme de « conflit ethnique » prétendrait que les congolais s’entretuent pour leurs propres enjeux, ainsi ce terme nie la réalité des pillages colonisateurs qui génèrent et alimentent les conflits au Congo. A l’est du Congo depuis  25 ans une guerre interminable (dans un silence médiatique déroutant) autour de minerais indispensables au secteur numérique. En bout de chaîne, la responsabilité des compagnies du numérique et des consommateurs finaux fait peu de doutes.
Par exemple, en 2019, une plainte a été déposée par une organisation de juristes, International Rights Advocate, devant un tribunal de Washington, contre Apple et Microsoft, Tesla et Google, les accusant de
complicité de morts d’enfants dans des mines de cobalt congolaises.

De plus, la cartographie de l’anthropologue George Murdock, fait au milieu du XXème siècle, permet de constater qu’en Afrique les territoires ethnique sont très largement plus nombreux que les Etats (dont plus plusieurs dizaines à cheval sur les frontières). Ainsi si les conflits ethniques était la cause des guerres, l’Afrique serait en permanence à feu et à sang, or ce n’est pas le cas. Mais ce qui est remarquable est que les guerres de pillages sont conduites pour réaliser divers profits afin de satisfaire les besoin en minerais de l’économie-monde globalisée, souvent repeintes aux couleurs de guerres culturelles ou confessionelles : la Deuxième Guerre du Congo, le conflit d’Ituri, guerre de Kivu, la guerre de Sierra Leonne, crise du delta du Niger etc…

Bref, le Congo est d’ailleurs regardé avant tout comme un immense réservoir de matières premières. Les colonisateurs belges, à la fin du XIXe siècle, l’avaient qualifié de « scandale géologique » tant sa terre regorge de ressources naturelles, c’est donc pour cela qu’il concentre autant de conflits.

– Quelles ressources naturelles y a t-il au Congo ?

Au-delà du bois précieux, du café, du bétail, du fleuve et de ses énormes capacités énergétiques, de l’ivoire et du caoutchouc, du diamant et de l’or, de l’uranium, du gaz et du pétrole, on peut encore citer la bauxite, la stannite, le plomb, le fer, la manganèse, le tungstène, le niobium, le germanium, le wolfram, le zinc, le nickel et l’argent. En grande quantité, on y trouve encore du cuivre, cobalt, coltan et cassitérite. Par exemple le cas pour le cuivre et l’étain, ou encore le cobalt et le coltan, le Congo recèlerait 80 % des réserves mondiales. Autant dire que nous avons tous.te.s des morceaux du Congo dans nos poches, dans nos salons ou sur notre bureau.

– C’est quoi le coltan ?

Le coltan est un minerai malléable, prisé pour son efficace résistance à la corrosion, permettant la fabrication de condensateurs qui stockent l’énergie, les données et résistent à la chaleur. C’est un minerai moteur de toute notre civilisation occidentale et du capitalisme contemporain. Indispensable à l’industrie numérique et à l’ensemble du secteur high tech, mais aussi aux industries aérospatiale etaéronautique. Le coltan est également incontournable pour l’équipement stratégique militaire et l’industrie de l’armement Bref, on en trouve casiment partout : smartphone, GPS, satellites, télévision plasma, consoles pour jeux vidéo, ordinateurs portables, MP3, MP4, jeux électroniques, appareils photo…mais aussi dans les fusées spatiales, lesarmes téléguidées et missiles etc.

– Et quant est-il de la cassitérite ?

C’est la deuxième ressource incontournable car la cassitérite est le principal minerai de l’étain. L’étain est partout, car sans étain pas de connexions, donc pas d’électronique : téléphones, PlayStation, caméra digitale, décodeurs, radio, hi-fi, scanners, imprimantes, voitures, avions etc… Le Congo produit 10 % de l’étain consommé dans le monde et détiendrait 30 % de ses réserves. Pour les autres minerais, vu ta curiosité, je te  laisserai t’informer !

– Quel est l’impact de l’Extractivisme minier sur le Congo aujourd’hui ?

L’extractivisme qui nourrit le commerce des « minerais de conflits » ou « minerais de sang » finance des groupes armés responsables d’une guerre qui dure depuis près de 20 ans au Congo : entre 6 et 10 millions de mort.e.s, 6,9 millions de personnes déplacées, plus de 1152 femmes violées et mutilées par jour (comme arme de guerre), 40 000 enfant travaillant dans les mines et 50 000 hectare de forêt rasées chaques années (premier poumon de la Terre actuellement).

– Comment ça, le viol est une « arme de guerre » ?

Les rapports et les observateurs, comme le Docteur Denis Mukwege, montrent (parfois de façon systématique) la corrélation entre les groupes armés, les femmes/enfants violé.e.s et les zones minières. Le viol est utilisé sciemment pour humilier, terroriser avec la ferme intention de disloquer les familles, briser les traditions communautaires, détruire le tissu social, ostraciser la victime souvent atteinte de MST ou enceinte. Le viol est un outil de terreur en temps de guerre, voire de génocide, pour affaiblir et détruire les groupes, les empêchant de fédérer leurs forces pour se défendre. Ainsi les terrritoires riches en minerais sont d’autant plus contrôlable. Cette stratégie n’est pas propre au Congo, l’Histoire démontre que le viol a été utilisé comme arme durant d’autres conflits, même en Europe durant la Seconde Guerre Mondiale ou la Guerre de Yougoslavie.

– Quelles sont les conditions de vie des enfants travaillant dans les mines au Congo ?

Les enfants sont une main d’oeuvre quasi-gratuite ! La plupart sont de jeunes garçons qui creusent dans les mines artisanales, parfois pieds et mains nues, par fortes chaleur ou sous la pluie, ils portent des sacs de 20 à 40kg, sont payés 1 à 2 dollars la journée seulement s’ils trouvent matière à vendre (souvent taxé par la police, les milices). Ils peuvent travailler jusqu’à 72h d’affilé, souvent sans casques, ni masques. Dociles et petits, on les utilise pour se faufiler dans d’étroites galeries et tuyaux jusqu’à 60m de profondeurs afin de trouver les filons de coltan. D’autres, sont courbés dans l’eau, à tamiser, afin d’extraire l’or. 
Martyrisés par les adultes, malades à force d’inhaler les poussières et produits toxiques, mutilés à cause des accidents, ou bien éttouffés sous les effondrements, ces enfants sans contrats sont surnommés les « morts fantômes ». Quant aux petites filles, elles sont prostituées auprés des creuseurs artisanaux, souvent par leurs propres ainées ou les gérants des mines. Les enfants, comme les femmes, sont aussi violé.e.s, comme arme de guerre lors des conflits. 

Voilà les conditions de survie de ces enfants, et dans une mesure similaire, de la plupart des personnes travaillant dans les mines au Congo !

– N’y a-t-il pas des ONG qui alertent à ce propos ?

Les organismes humanitaiare, dont Amnesty International, accumulent les rapport pointant toujours les même multinationales complice en se fournissant en « minerai de sang »: Apple, Dell, HP, Microsoft, Lenovo, Huawei, Vodafone, Sony etc… mais cela ne les empêche pas de produire toujours plus leurs technologies !

– Est-ce que les mines industrielles dans d’autres pays possèdent des chartes pour éviter le travail des enfants ?

En effet, l’Alliance pour le cobalt équitable (dont « Responsible Minerals Initiative » et EcoVadis »)  examine trois types de problèmes : le travail des enfants, le financement des conflit armés par les métaux et la corruption. Depuis des années des ONG déconcent ces conditions, et certaines entreprises, se vantent de faire du « Cobalt responsable » comme Tesla, BMW et même Fairphone. 

Néanmoins une équipe internationale de journalistes a observé que cette « Alliance pour le cobalt équitable » ne mène aucun audit sur les sites miniers qui se disent “responsible”.

– As-tu un exemple de mine industrielle pas autant responsable qu’elle ne le prétend ?

Je peux te citer le cas de Managem, avec la mine de Bou-Azzer sitée sud du Maroc. Elle est assez significative de l’image édulcorée de ces mines industrielles qui se disent responsables en revêtant une panoplie de labels et certification de logo. Ces certificateurs n’ont jamais eu le moindre rapport avec la vie des personnes qui travaillent et vivent à Bou-Azzer alors qu’on relèvent de nombreuses atrocités : le gisement contient beaucoup d’arsenic (causant de nombreux cancers), les mineurs ne sont pas informés qu’ils ingèrent de la poussière toxiques, on ne leur fournis pas d’équipement de sécurité adéquat, la seule surveillance médicale consiste à souffler une fois par an pour cérifier leur capacité respiratoire, un tiers des mineurs sont des sous-traitants non-formés alors qu’ils posent des explosifs, et la formation des deux autres tiers tient en une journée… bref le droit du travail marocain est bafoué. 

– Y-a-til des révoltes de la part de ces mineurs ? 

En 2011 et 2012, il y a eu des grêves d’ampleur pour exiger un respect du droit du travail. Par exemple, il demandaient des mesures de sécurité et d’hygiène, comme du savon pour les sanitaire, résultat : tabassages et séances de tortures par la gendarmerie, des poursuites et emprisonnement pour « entrave au travail » et 90 mineurs syndiqués ont été licenciés et les autres ont pu reprendre le travail à la seule condition de quitter le syndicat. 

– Les moyens techologiques pour automatiser certaines tâches minières sont une solution, non ?

La mine 4.0 vide de plus en plus les mines de ses mineurs, c’est un moyen pour éviter les accidents mais aussi d’augmenter la cadence et donc les profits. La division des tâches, la mécanisation puis l’automatisation évitent la concentration du nombre de mineurs au même endroit, et de fait les revendications salariales. Ainsi même si les mines à ciel ouvert, à grande vitesse, sont désormais moins nuisibles pour les travailleurs, elles n’en sont pas éthique pour autant car elles détruisent les ressources des peuples humains et non-humains qui vivent sur le territoire : l’eau, l’air, la terre, la faune et la flore.

-Au moins la mine n’émet pas de gaz à effet de serre, non ?

Non, la mine zéro carbone n’existe pas ! L’activité minière représente 8 % des émissions carbonnes dans le monde. Plus les gisements de minerai s’épuisent, plus il faut creuser profond et les broyeurs et concasseurs demandent beaucoup d’énergie. Par exemple, rien qu’entre 2011 et 2014, à l’échelle du monde, la consommation d’énergie par tonne de cuivre a augmenté de 17 %. 

-Et si on fait fonctionner les mines aux énergies renouvelables ? 

L’éolien et le solaire ne suffissent largement pas à donner autant d’énergie qu’une mine en demande. Par exemple, la mine de Rio Tinto se vante d’être « la première mine propre d’Espagne qui fonctionnera à l’énergie photovoltaïque », d’être « indépendante en énergie » en 2050, néanmoins en pratique les 75 765 panneaux solaires déployés sur 60 hectares fourniront seulement un quart des besoins de la mine. Pour que tu visualise, cette mégamine émettra l’équivalent en Co2 de 57 000 voitures par an. Ainsi, cette énergie dite «verte » n’alimentera que les infrastructures connexes, comme les bureaux de l’entreprise. 

– Je vois, mais on est d’accord pour dire que les éoliennes et les panneaux solaires ne produisent pas de co2, c’est pour ça qu’on les appellent aussi des sources d’énergie décarbonnées ?

Le solaire ou éolien ont plusieurs petits surnoms : énergie vertes, renouvellable, décarbonnées etc… Oui, lorsqu’elle produisent de l’énergie, elle ne dégage pas de Co2 mais lors de la conception de leurs infrastructures, c’est une autre histoire. Par exemple la production d’un seul panneau solaire,  compte tenu seulement du silicium qu’il contient génère 70 kilos de CO2. S’ajoute à cela leur production dans les usines et leur acheminements vers les sites.

-Et si on équipe tous les engins avec des batteries électriques?

C’est le serpent qui se mord la queue ! Car si on imagine faire fonctionner tous les engins avec des batteries électriques, cela demande d’augmenter la production mondiale de fer, de cuivre, de nickel, de chrome, de lithium etc… on ouvrira dont de nouvelles mines pour des gisements aux teneurs de plus en plus basses et on consommera donc plus d’énergie. 
D’ailleurs l’argument de la “transition écologique” des objets de consommation de tous les jours cache d’autres formes d’utilisation des minerais. 

-Ah bon, lequels ?

Extraire des minerais pour la « transition écologique » pour lutter contre le réchauffement climatique est l’argument convenable pour faire adhérer les populations. Mais les métaux sont indispensables à l’industrie de l’armement et l’aérospastial, alors c’est stratégique de forer plus de mines pour la croissance : exporter des avions, fabriquer des microprocesseurs, vendre des armes. Le lithium et le cobalt, entre autre, est nécessaire aux batteries des appareils milititaires, dans les superalliages pour la fabrication d’avion et de navire militaire, et aussi pour diminuer le poids des équipements dans l’aérospatial. 

Cette courses aux minerais pour alimentaire l’industrie militaire crée des guerres pour alimenter les guerres! D’ailleurs cette fameuse “transition énergétique” n’est pas davantage écologique qu’une transition. 

– Pourquoi n’est-elle pas une transition ? Et pourquoi n’est-elle pas écologique ?

Le terme de transition émerge dans les années 70 pour penser le futur des Etats-Unis après les chocs pétroliers. Le problème est qu’il repose sur une vision fausse du passé qui déroule l’histoire des techniques et de l’énergie comme une succession de phases, avec comme rhétorique les expressions « l’âge de … » depuis la préhistoire jusqu’à l’industrialisation. Les défenseur.euse.s de cette rhétorique (qu’on peut nommer le « phasisme ») supposeraient que le charbon aurait succédé au bois et se serait lui-même fait remplacer par le pétrole. 

Aujourd’hui la « transition énergétique » parle de passer de l’âge du carbone à celui de l’électrique. Or les usages de ces matières premières s’ajoutent les unes aux autres plutôt que de les substitué comme le laisse pensé le terme « transition ». Quelques exemples historiques : en 1913 la Grande-Bretagne utilisait plus de bois pour extraire le charbon qu’elle n’en brulait au milieux du XVIIIème siècle, dans les années 70-90 la France consommait encore entre 40 et 50 millions de tonnes de charbon, c’est à dire deux fois plus qu’un siècle auparavent. Ainsi de la même manière les technologies de production d’énergie à bas carbone viennent également s’ajouter aux procédés de production des énergie dites « non-vertes » toujours en exercice.

Pour cette « âge de l’électrique », de l’utilisation d’une vingtaine de métaux il y a 30 ans, on est passé à plus de 60 aujourd’hui. Et comme nous en avons parlé et en reparlerons après, les conditions d’extraction de ces minerais n’a rien d’écologique. Le capitalisme industriel continuera à extraire du fer, même s’il s’évertuera aussi à accroître l’extraction de minerais et de terres rares, même s’il couvre la surface de la Terre d’éolienne ou de panneaux solaires !

Bref, il serait beaucoup plus juste de parler d’une addition de nouveaux besoins industriels, réalité que la connotation positive du terme « transition écologique » ou « révolution verte » cherche à cacher. D’ailleurs c’est le grand terme utilisé par l’Union Européenne pour utiliser les minerais à d’autre fins, tels que le tout-numérique, l’armement et l’aérospatial.


– Pourquoi on utilise plus de métaux aujourd’hui qu’il ya 30 ans ? 

Le développement de l’électronique dont la micro-informatique en est pour beaucoup ! Car elle a besoin d’une diversité inédite de minéraux: l’électronique engloutit au moins un tier de la production mondiale de tantale et d’argent. Par exemple, pour assurer la conductivité à l’échelle nanométrique dans les semi-conducteurs, on a remplacé le cuivre par du cobalt ou du ruthénium, les LED des écrans apparaissent bleu grâce à de l’indium, et rouge-orangé grâce à un mélange d’arsenic et de posphore etc… 

Dans cette logique, la numérisation du monde, comme le passage de la 4G à la 5G va demander encore plus de métaux et de minerais, et c’est pas prêt de s’arrêter si on s’oppose pas à tout ça !

– En quoi le déploiement de la 5G demandent plus de minerai ?

Si la 5G se déploie à l’échelle mondiale, cela pourrait nécéssiter d’extraire 4 fois plus de palladium par an (pour les condensateurs et les connecteurs), près de 3 fois plus de ruthénium (puces, contacteurs, disque durs) et du terbium (pour éclairage des écrans), neuf fois la production de béryllium (utilisé comme isolant dans les semi-conducteurs), ou encore onze fois la production de graphite (pour les batteries). Et si on prend en compte les projets de technologies de télécommunications promisent à une forte croissance, la demande des métaux d’ici 2030 pourrait être multipliée entre 11 et 16 fois. 

Autant dire que le numérique comme argument de « dématérialisation » est bel et bien un mythe !

– Et si on relocalisait les mines en Occident ? L’Union Européenne est dans cette optique, n’est-ce pas ?

L’Union Européene, même si elle annonce la « relocalisation des mines », elle n’a jamais eu pour projet d’arrêter l’exportation. La loi sur les matières critiques ratifiées par le Parlement et le Conseil de l’Europe, fin 2023, exige qu’au moins 10% des approvisionnements en métaux proviennent de mines européenes. Pour le reste, ils proviendront de pays tiers (accord déjà conclu avec le Kazakhstan, Chili, Mexique, Argentine, Colombie, Groenland et Ukraine) où la Commision financera des projets miniers via le Global Gateway, un fond d’investissement de 300 milliards d’euros lancé par l’UE. L’imposture écologique de la relocalisation des mines va de paire avec leur politique de gestion des gaz à effet de serre

La mine relocalisée n’existe pas plus que la mine responsable : la mine de lithium au Portugal n’exclut pas celle en Argentine!

– Quelles sont les politique européenes par rapport à la gestion gaz à effet de serre ? Cela concernant le trafil routtier ?

En Europe, le trafic routtier représente plus d’un quart des gazs effets de serre. Les pouvoirs publics proposent de remplacer les véhicules à essence et diesel par de l’électrique (véhicules à « zéro émission » disent-ils) et de connecter ces véhicules à une infrastructure de Big Data pour permettre de nouveaux usages tel que l’éco-conduite, le covoiturage etc… d’ici 2040.

– Ah c’est super, du coup les des voiture électrique sont plus écologiques car elles n’émettent pas de gaz à effet de serre ?

Seulement lors de leur utilisation, et encore ! Il faut prendre en compte les impacts énergétiques de la mine à la décharge. Comme nous l’avons vu, les mines génèrent énormement de pollution. Lors de la fabrication, la voiture électrique émet 2 fois plus de gaz à effet de serre que les autres, du fait de sa fabrication, et de la production intensive en métaux et en chimie de sa batterie et de son motteur. 

De plus, le terme « zéro émission » est un leurre car les particules fines qui engorgent nos villes ne proviennent pas seulement de la combustion des énergies fossiles mais pour moitié de l’usure des pneus et des plaquettes de freins.

– D’accord, mais du coup les usages de la voiture électrique compenseront à plus long terme l’énergie grise et les pollutions émises lors de leurs fabrications ?

Les études de cycles de vie montrent que celà est le cas dans des conditions précises, il faut que : les voiture soient de petit gabaris, qu’elles  aient un usage intensif (car les batterie s’usent même quand on s’en sert pas), l’électricité consommée lors de leurs productions ou utilisation proviennent d’énergie renouvellable (pas d’une centrale à charbon comme en Chine, Australie, Inde, Afrique du Sud etc…), le recyclage des batterie soit opérée. 

– Ces conditions sont-elles respectées ?

Les gouvernements subventionnent autant les SUV électriques (40% du parc automobile) et les Tesla (qui pèsent entre 1,7 et 2,5 tonnes) que les petites voitures. La majorité des composants sont produit en Asie avec de l’énergie fossile. Le recyclage est conplexe, notemment à cause d’un faible espoir de standardisation des batteries, car chaques entreprises cherchent des modèles plus performants. Et quand bien même ces conditions soient respectées, cela pose un problèmes écologique et éthique que nous avons vu en abordant le sujet des mines car elles demandent six fois plus de métaux que des voitures essense ou diésel.

– Qu’en est-il des poids-lourds ? J’imagine que les batteries seraient bien trop lourdes.

C’est exact, alors l’UE inspiré par le lobbyieng des géant pétroliers et gaziers, prévoit de les alimenter avec de l’hydrogène (obtenu à 95% de pétrole et de gaz naturel) ou en hygrogène « vert » (produit par électrolyse de l’eau en casant la molécule H2o). Ce dernier carburant ne rejette que de la vapeur d’eau mais demande beaucoup d’électricité à la base. Remplacer le parc de poids lourds européen avec de l’hydrogène « vert » reviendrait à utiliser la production électrique de 156 réacteurs nucléaires. Pour l’instant, l’UE l’importe depuis les ferme solaires géantes déployées au Sahara.

D’ailleurs, en parlant de vapeur d’eau, il faut que tu saches que la première victime de la mine c’est l’eau.

– Pourquoi a-t-on besoin d’eau pour l’extraction des minerais ?

L’exploitation d’une mine est intimement liée à une utilisation importante de l’eau. Les eaux utilisées dans le secteur minier proviennent de plusieurs tâches, principalement les eaux de procédés, les eaux de refroidissement et les eaux de nettoyage. La première étape du traitement de l’eau dans le secteur minier consiste au retrait du plus de solides possible. Pour ce faire, on utilise des tamis à barreaux, différentes technologies de filtration et surtout des bassins de sédimentation ou tout autre type de séparation chimique ou physique utilisant des quantités immenses d’eau.

– J’ai lu récemment que les mines gèrent durablement les ressources en eau, est-ce vrai ?

Selon l’Agence internationale de l’énergie, les prélèvement en eau de l’industrie minière auraient doublé entre 2018 et 2021. C’est très inquiétant quand on sait que les deux tiers des mines industrielles sont situées dans des régions menacées de sécheresse. 
De plus, le traitement des minerais demande des acides comme l’arsenic qui polluent les nappes phréatiques. Et je te parle même pas des autres substances toxiques utilisées dans la technique de flottation. 

-C’est quoi la technique de flottation ?

En minéralurgie, c’est la technique de séparation des minerais entre eux la plus répandue depuis le XIXème siècle. C’est à dire qu’on a besoin de beaucoup d’eau mélangé à des réactifs chimique afin que les particules solides sont mises en suspension par agitation après qu’un broyage en humide, plus ou moins poussé, ait libéré la substance minérale valorisable. En général pour l’or et l’argent, on utilise du cyanure, qui a la particularité de dissoudre la plupart des éléments pour laisser au final les plus résistant. Mais pour d’autres substances on peut utiliser de la soude ou de l’acide sulfurique. 

Le problème c’est que ça crée beaucoup de déchets imbibés de ces subtances toxiques !

– Comment traite-t-on ses déchets miniers?

On stocke ces résidus dans de grands espaces en mettant une membrane géotextile de quelques milimètre d’épaisseur au fond pour empêcher l’infiltration dans le sol.

– Ah ça va alors, heureusement qu’il y a ses bassins, non ?

Et bien pas vraiment, car les métaux et métalloïdes que contiennent ces résidus stockés restent toxiques pendant des siècles alors que la membrane a une durée de vie tout au plus de 150 ans. Les infiltrations vers les nappes souterraines sont courantes. 

D’ailleurs le terme « bassin » est très utilisé dans l’industrie minière et renvoie notre imaginaire à des espaces petits comme des piscines, comme les puits ou les chevalement des mines du passé. Alors qu’aujourd’hui, imagine plutôt des lacs de boue toxique contenues par des digues hautes de plusieurs dizaines de mètres dans des mégamines à ciel ouvert. Ces « grands parcs à résidus miniers comptent parmi les ouvrages les plus immenses que l’Homme ait construit sur Terre » écrit le Programme pour l’environnement des Nations unies. 

– Ca devrait donc être pensé pour maintenir ces déchets en sécurité sans limitation de durée ? Ou bien ces digues sont aussi peu fiable que les membranes ?

Oui ça devrait !  Mais en pratique plusieurs fois par an dans le monde, une digue d’un parc à résidus se rompt. En 2022, c’est arrivé 5 fois. En 2019, au Brésil, l’accident s’est produit à une échelle titanesque : le barrage de fer de Brumadinho s’est rompu et une coulée de boue de 12 millions de mètre cubes a tué 270 personnes, anéanti un pont, un village, et toute la faune et la flore sauvage sur des dizaines de kilomètre carré. Ou bien en 2015, une rupture du même genre contenant mercure, arsenic et plomb s’est déversée dans le fleuve Rio Doce, au Brésil, sur 650 km jusqu’à l’embouchure de l’océan Atlantique, à ce jour ça a été la plus grande catastrophe écologique d’Amérique du Sud. Totalement invisibilisée par la plupart des médias mainstream !

-A quoi sont due ces catastrophes ces ruptures de digues ?

D’abord les ruptures de barrages sont souvent précédées de fortes pluies ou chutes de neiges augmentant la charge hydrauliques. Puis elles peuvent aussi être due a des mouvements de terrain sous la digue, à un séisme, ou à des travaux et forages à proximité. 

– Comment ça se fait que les ingénieurs ne conçoivent pas des structures plus solides pour éviter ces catastrophes ?

En fait, la raison est économique. Ces résidus dépourvus de valeur marchande ne motivent pas assez les industries minières à concevoir des sécurités adéquates. Les barrages hydrauliques classiques produisant de l’électricité sont conçus par des ingénieur.e.s qui ont prévu la quantité maximale stockées et la charge que pourra supporté la digue en béton armé. Ils font l’objet d’une surveillance très importante. Au contraire, les barrages miniers ne sont pas construit en béton, et sont progressivement agrandi et surélevé au cours de l’exploitation minière pour limiter son coût. Ce qui les rend plus fragile !

-Olalah c’est déprimant tout ça ! Je comprends mieux pourquoi tu t’exclames. Qu’est-ce que je peux faire à mon échelle ?

Oui, je comprends ! Mais si ça te déprime, tu peux transformer cette tristesse en révolte et prendre des décisions pour ne plus participer à cette mascarade, en adoptant une sobriété énergétique. Sans tomber dans le dogme des petits gestes du quotidien, tu peux déjà diffuser autour de toi tout ce qu’on vient de parler pour sensibiliser ton entourage et approfondir ces sujets. Tu peux questionner tes choix de vie et tes usages des technologies, d’abord au niveau individuel par le boycott de certains produits, privilégier les achats d’occasions, la mutualisation des appareils électriques et électroniques, réparer au lieu de jeter dès que les technologies que tu utilises ne fonctionne plus, te déconnecter des outils numériques le plus possible, même dans ton travail tu as le droit à la déconnection etc …

-Comment ça les gestes individuels ne suffisent pas ?

Cela pourrait amener une forme d’égologie, c’est à dire une écologie individualiste qui par le développement personnel, se coupe de la sphère politique globale. Tu peux créer des collectifs ou rejoindre des associations pour militer pour une justice environnementale internationale, à la fois sur des luttes locales ou plus globales, suivant tes appétences et compétences. L’aspect systémique de l’écologie est intrinséquement lié aux luttes de classe, de race, de genre… Il y a des milliers de manières de militer, et comme l’a prouvé l’histoire c’est la pluralité des moyens de luttes collectives qui ont permis des changement sociaux face aux capitalisme mortifère. Déjà, tu peux commencer par rejoindre la campagne de la Marche !

– Comment puis-je soutenir la Marche contre l’Extractivisme et pour une Ecologie Décoloniale ?

L’association Génération Lumière invite toutes personnes, associations, mouvements, artistes à créer des actions en mai, juin, juillet 2024 dans leurs territoires. Une manifestation, une performance artistique dans la rue, une fresque, des ateliers d’ECSI, une table ronde, une conférence de presse avec des spécialistes, toutes les formes d’actions non-violentes. Tu peux soutenir l’association en faisant un don, mais aussi les aider à la diffusion, à la documentation, au soutien logistique (hébergement, repas…) de l’évènement.

– Je serai ravi.e des les rencontrer ! Politiquement, je me demande aussi, quelles peuvent-être les propositions pour une transition vers une sobriété numérique ? 

Je n’ai pas la science inffuse mais j’ai quelques pistes de réflexion ! D’abord visibiliser les tendances numériques aujourd’hui invisible : usages du smartphone, de la vidéo, de la croissance de la puissance de calcul informatique etc… en regard des enjeux écologiques. 

Ensuite, obliger les entreprises qui mettent un nouveau produit sur le marché à émettre un document certifié par un tier de confiance (une association de consommateurs) évaluant les effets écologique et sociaux de la généralisation du produit sur le marché (indice de réparabilité par exemple). Et organiser la même visibilité pour les lois et réglementations, telles que les directives européenes. Militer pour que ne se développe pas les usages voraces en minerai: la 5G (et encore moi la 6G), stopper l’expension routière et développer les transports en communs déjà existant au lieu de promouvoir les véhicules électriques individuels, l’e-sport, une bonne partie de l’usage de l’Intelligence Artificielle, dénumériser les secteurs qui peuvent l’être etc… 

On pourrait aussi penser une politique du stockage des données, qui ne peut pas être illimité, autant que réflechir collectivement à la production d’objets issus d’une extractivisme de « subsistance » et non d’un extractivisme de « luxe ». Pour que cela se face avec des outils démocratique populaires, il faudrait organiser des référundums citoyens locaux, nationaux et internationaux (pourquoi pas en tirage au sort pour une impartialité) en prenant en compte les personnes des pays du Sud et leurs diasporas, les premieres concernées par les impacts du numérique.

Comme le propose le Shift Project : décourager les activités dont le moteur est de produire et vendre toujours plus de données au sein du capitalisme de surveillance !

– Tu parles de quelques propositions, c’est le début d’un véritable programme décroissant !

Et oui, la décroissance c’est pas forcément le retour à la bougie ! Tes points d’interrogations deviennent de plus en plus exclamatifs.

– Oui, c’est vrai, mais notre discussion attise encore plus ma curiosité. Pour toi quel serait l’objet-symbole à se débarasser pour lutter contre l’extractivisme ?

Spontannément, je dirai le smartphone (qu’on pourrait renommé ordi-phone soit dit en passant) car c’est un objet contenant plus de 50 métaux différents sous des formes aussi complexes, issus de près de 18 pays différents. Par exemple cet appareil peut contenir au total une trentaine de milligrammes d’or, mais dans cet objet minuscule, cet or est disséminé dans quelques 80 composants différents (idem pour l’argent et le nikel). C’est d’ailleurs la raison pour laquelle personne n’a très envie de s’amuser à recycler ces téléphones. Chaqu’un en a un ou deux dans sa poche, ou presque. 

– A un moment, tu a cité Fairphone, n’est-ce pas une alternative pour un smartphone éthique?

Oui je connais, à la base cette entreprise fondée au Pays-Bas il ya plus de 10 ans cherchait un moyen de faire comprendre la réalité sordide des chaînes d’approvisionnement de l’électronique, des minerais de conflit aux sweatshops chinois. L’entreprise cartographie et met à jour régulièrement les sites de productions répartis sur l’ensemble de la planète (mines, fonderie, usines de composants, site d’assemblage etc). 

Ainsi, on y apprends que la fabrication d’un smartphone repose sur plus de mille sites répartis dans le monde entier. Vu qu’il est impossible d’enquêter sur tous les sites, elle s’est intéréssée à 13 métaux sur les 56 contenus dans l’appareil. L’entreprise a mis d’autres choses en place : certifier la traçabilité pour les filiaire de l’étain, le tantale et le tungstène en attestant qu’elles ne financent pas des conflits armés, créer un appareil adaptés au démontage, mais seul 45% des matériaux du Fairphone 3 peuvent être recyclés (due notemment à la compléxité des alliages), augmenter la durée de vie en limitant l’obsolescence de la partie software. 

Malgré tout cela : sur le plan social et environnemental le fait est qu’elle ne parvient pas à rendre cet objet viable. L’entreprise avoue elle-même que les conditions de production ne connaissent aucune avancé notable. Donc même si un Fairphone est un peu plus éthique d’un Iphone, on est loin de pouvoir dire qu’il est un smartphone éthique, tout comme les mines. 

– Mais je ne me vois pas me séparer de mon smartphone, surtout par rapport à mon travail…

Même si l’étau social se reserre, il est possible de vivre sans smartphone. Je peux comprendre qu’il peut être un outil nécessaire à certaines personnes handicapées, ou dans des situations vraiment particulières, mais la majorité des gens pourrait s’en passer. 

Même en ayant un smartphone, tu peux t’associer à des parents pour limiter l’âge auquels les jeunes y ont accés, ou lutter contre les systèmes qui les rendent obligatoires dans la vie de tous les jours. Le collectif Halte au contrôle numérique construit sur le plan juridique un statut opposable d’objecteur.ice.s du numérique pour obliger les administrations et les entreprises à garantir qu’on puisse se déplacer, se faire soigner, ou jouir de droits sans passer par des applications ou des QR codes. Le groupe Ecran Total luttent au sein de leur profession contre la numérisation focée de leur activité. Si tu arrives à décrocher des mécanismes addictifs que créent les applications, tu verras, ça te rendra plus disponible mentalement ! Bref, il y aurait encore beaucoup à dire, mais il est tant de finir notre conversation, on se retrouvera pour la prochaine version de cette brochure, salut !

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Références documentaires qui ont servit à l’écriture de cette brochure !
– Le texte de Résolution écrit par l’Association Génération Lumière
– La ruée minière du XXI siècle – Célia Izoard
– La guerre des métaux rares – Guillaume pitron 
– On achève bien les enfants, écrans et barbarie numérique – Fabien Lebrun 
– Article de Fabien Lebrun : https://www.contretemps.eu/congo-rdc-genocide-industrie-numerique/
– Pour une écologie décoloniale – Malcolm ferdinand
– Green washing : manuel pour dépolluer le débat public – sous la direction d’Aurélien Berlan, Guillaume Carbou, et Laure Teulières
– Brochure : Minopoly, conjoncture de l’industrie minière en Union Européene et constantes mortifères
– Sans Transition, une nouvelle histoire de l’énergie – Jean-Baptiste Fressoz
– SystExt, controverses minières. Pour en finir avec certaines contrevérités sur la mine et les filières minérales, Rapport d’étude, Paris, novembre 2021, sur : systext.org/node/1785 
– Aurore Stéphant, « Promesses de dématérialisation et matérialité minérale », 7 septembre 2021, sur YouTube.
– Egologie : écologie, individualisme et course au bonheur – Aude Vidal
– La Numérisation du monde : un désastre écologique – Fabrice Flipo
– Mauvaises mines : combattre l’industrie minière en France et dans le monde – Mathieu Brier et Naïka Desquesnes (membre de Z soutenu par SystExt)
– Le livre noir de la mondialisation : 400 millions de morts – Thomas Guénolé

D’autres références documentaires pour aller plus loin:

LIVRES:
– Extractivisme -Anna Bednik
– A côté de nous le déluge : la société d’externalisation et son prix – Stephan Lessenich

FILMS: 
-Blood in the mobile
-Prêt à jeter

THEATRE : 
– Requiem pour un smartphone – Cie Bulle de ZInc
– Petit Caillou : épopée géopolitique dans un de nos téléphones – Cie Peau-éthique